par Tom Cheetham - traduction Hélène Foreman
L’ouvrage de T. Cheetham est une présentation synthétique et claire de la pensée du philosophe islamologue Henry Corbin (m. 1978), et de ses enjeux pour notre époque. A la différence d’ouvrages fortement philosophiques sur la pensée corbinienne (C. Jambet, La logique des Orientaux : Henry Corbin et la science des formes, 1983, ou D. Shayegan, Henry Corbin – La topographie spirituelle de l’Islam iranien, 1990) L’Envers du monde est destiné à un public plus vaste et éclectique. Tout en connaissant la pensée de Corbin dans ses nuances, Cheetham lui-même ne se présente ni comme pur philosophe, ni comme orientaliste. Il entend simplement souligner l’apport considérable de HC à la pensée contemporaine.
T. Cheetham retrace l’évolution de HC depuis sa rencontre plusieurs grands penseurs, et surtout avec M. Heidegger, dont il fut le premier traducteur en langue française. Avec Heidegger, HC insiste sur le fait que penser est un acte de présence au monde, un « acte d’être ». Ce ne sont pas les circonstances extérieures, sociales qui dictent leur vie aux hommes, c’est le degré d’engagement de leur propre conscience qui donne sens au monde. A la différence de Heidegger toutefois, Corbin ne voit pas la pensée humaine barrée inéluctablement par la conscience de la mort. Avec l’étude des mystiques – musulmans, mais aussi grecs ou chrétiens – HC rend compte d’une expérience où c’est la transcendance, la présence du divin, qui constitue l’horizon de la conscience, qui détermine ce qui est passé ou présent, vie ou mort. Cette redécouverte d’un acte d’exégèse du monde caché, spirituel, est un premier volet essentiel de la pensée de HC.
Cheetham insiste aussi sur une autre dimension de la pensée corbinienne, la redécouverte de l’imagination comme voie de connaissance mystique et philosophique. Il ne s’agit pas ici de l’imagination au sens courant, psychologique, mais de cette faculté désignée par l’adjectif « imaginale » : la capacité de recevoir et de comprendre les formes subtiles qui préexistent à la vie terrestre et la continuent, et cela par les visions et les rêves notamment.
Enfin T. Cheetham rend compte du thème du « paradoxe du monothéisme » évoqué par Corbin. Le monothéisme évacue les intermédiaires entre le Dieu unique et les hommes ; mais comme ce Dieu est infini et incompréhensible, les hommes sont contraints de le représenter par des concepts ou représentation à leur mesure, et retombent ipso facto dans une idolâtrie qu’ils entendaient éviter. D’où la « nécessité de l’angélologie », l’ange représentant le point précis de la rencontre entre le Dieu qui se « personnalise », et l’âme humaine qui se « divinise », événement spirituel central résumant toute la démarche de la mystique. Ecrit dans un style à la fois précis mais clair, l’ouvrage rend ainsi accessible au public non spécialisée une pensée complexe, mais d’une grande fécondité pour notre époque.
(The anticipated publication date of this translation is still uncertain - but they are working on it. - TC)